Le premier peuple du Mäasgard que rencontre Angèle est un emblème de la fantasy. Explorons un peu les inspirations elfiques qui ont influencé l’écriture de Galamir et ses semblables.
Les elfes de Tolkien : piliers de la fantasy
Quand on dit elfe, on pense immédiatement à J. R. R. Tolkien. L’auteur a en effet largement contribué à former l’image de l’elfe la plus utilisée et la plus connue de la fantasy. L’elfe d’Arda, grand, élancé, aux oreilles pointues, raffiné, cultivé, proche de la nature, incroyablement beau et talentueux dans le maniement de l’arc, constitue désormais l’archétype de l’elfe de fantasy, dans sa version classique dite lumineuse, déclinée en haut-elfe, elfe des bois, elfe sylvain… On le retrouve ainsi dans beaucoup d’œuvres de fantasy, comme Donjons & Dragons, Warhammer, Les Chroniques de la guerre de Lodoss, Les Légendaires… Même les œuvres parodiques partent de l’archétype de l’elfe tolkienien pour le caricaturer : ainsi, les elfes du Donjon de Naheulbeuk sont hautains et talentueux architectes pour les hauts-elfes, naïfs et amateurs de coiffage de poneys pour les elfes sylvains.
Avant Tolkien, les elfes existaient déjà, mais sous une autre forme. On les décrivait plutôt comme des êtres de petite taille, farceurs et possédant des pouvoirs magiques. Membres du « Petit Peuple », ces êtres merveilleux n’avaient pas encore pour attributs l’adresse à l’arc ou l’apparence svelte.
Dans la fantasy actuelle, un autre archétype, non tolkienien, occupe une place presque aussi importante que l’elfe lumineux : l’elfe noir, opposé ténébreux du premier, adepte des arts occultes. Inspiré des elfes de la mythologie nordique, on les retrouve fréquemment, en particulier dans les jeux de rôles.
The Elder Scrolls : varier l’archétype
Une autre œuvre que le légendaire tolkienien possède à mon sens un folklore elfique particulièrement développé, dans lequel les elfes ne sont pas simplement « des persos aux oreilles pointues à côté des humains », mais représentent bien un système complexe de différentes races possédant chacune son histoire, ses coutumes et ses caractéristiques. Je veux parler de The Elder Scrolls. Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas, The Elder Scrolls est une série de jeux vidéo de type RPG (à l’heure actuelle, cinq RPG et un MMORPG, sans compter le jeu de cartes virtuel), se situant dans le monde de Tamriel. On y trouve de nombreuses races, dont pas moins de onze elfiques [1].
Je trouve intéressant de voir comment l’archétype tolkienien est ici découpé et remanié, chaque race de Mer (le nom des elfes dans The Elder Scrolls) adoptant une caractéristique de l’archétype et d’autres traits complètement différents. Ainsi, les Altmers (Hauts-Elfes) ont le côté guindé et hautain, ainsi que le talent architectural et la puissance magique de l’elfe tolkienien, mais contrairement à celui-ci, ce peuple méprise totalement les autres races de Tamriel et préfère largement la vie citadine à la vie dans les bois ; les Bosmers (Elfes des bois) possèdent le talent pour l’arc et la proximité avec la nature, mais ce dernier trait est poussé au point que ces elfes deviennent exclusivement carnivores afin de ne pas toucher aux plantes vénérées ; et ainsi de suite.
Les elfes de The Elder Scrolls intègrent aussi les autres archétypes et caractéristiques d’elfes non-tolkieniens. Ainsi, les Bosmers retrouvent une petite taille, plus proche des elfes pré-tolkieniens, et les Dunmers exploitent le type de l’elfe noir.
Déclinaisons elfiques
On trouve d’autres variations elfiques intéressantes dans de nombreuses œuvres. Citons notamment les Aén Seidhe de The Witcher. Si les elfes de Tolkien quittent pacifiquement la Terre du Milieu après l’avoir dominée longtemps, les Aén Seidhe se retrouvent en position de peuple opprimé par les humains gagnant en puissance.
Les Gelflings de Dark Crystal se rapprochent bien davantage de l’elfe pré-tolkienien : un membre du « Petit Peuple » à l’apparence de lutin, plus petit et plus espiègle. De même, les « elfes » d’Artemis Fowl désignent les différents représentants du Peuple, petits êtres magiques vivant sous terre. Dans Taram et le chaudron magique, les elfes se rapprochent encore davantage de ce que nous appelons plus souvent les fées.
World of Warcraft pour sa part semble avoir quelque peu laissé de côté les elfes lumineux (représentés par les elfes de sang) pour mettre davantage l’accent sur les déclinaisons d’elfe noir en elfes de la nuit et elfes du vide…
Les Elfes d’Angélique Hacker
Dans Angélique Hacker, les Elfes du Mäasgard ont été construits à partir de l’archétype tolkienien : un physique gracieux, de grandes aptitudes à l’arc et un goût certain pour l’architecture. J’ai en revanche abandonné le côté orgueilleux ou hautain qu’on prête souvent aux elfes lumineux. Les Elfes de Sandragon sont le tout premier contact d’Angèle avec le Mäasgard, après Gédéon. Je souhaitais donc en faire un peuple particulièrement bienveillant, accueillant et chaleureux, tout à fait merveilleux et rassurant. Galamir permet ainsi à Angèle d’entrer tout en douceur dans le Mäasgard, avant les péripéties plus périlleuses qui l’attendent dans la suite du récit.
J’ai aussi délaissé leur traditionnelle rivalité avec le peuple des Nains et Naines, préférant opposer ce dernier aux Géants et Géantes. Je n’ai pas non plus utilisé l’archétype de l’elfe noir pour cette histoire : la première raison est qu’à l’époque où j’ai commencé ce livre, je ne connaissait pas encore très bien ce type d’elfes ; la deuxième est que le nombre de peuples du Mäasgard me paraissait déjà bien élevé pour un seul roman (d’ailleurs, à l’origine, le peuple des Nains et Naines devait figurer dans l’histoire, non pas comme un peuple disparu, mais bien présent).
J’espère que cette petite escapade elfique dans la fantasy vous aura intéressé·e·s et donné envie de découvrir la forêt de Sandragon !
À très vite !
Sarah T.
[1] : Si on compte les quatre races Mers jouables (Altmer, Bosmer, Dunmer, Orsimer), ainsi que les races disparues (Aldmer, Ayléides, Chimers, Dwemer, Falmer, Maormer et Elfes gauchers).