Vous l’aurez peut-être remarqué, ce blog a connu un gros trou de publications de février à juin 2021. Je vous rassure, cette inactivité apparente n’a concerné que le site, et non mes romans, qui ont continué vaillamment à grandir pendant cette période. Mais alors, que s’est-il passé pendant ces quelques mois ? Pour faire court, disons que des soucis personnels sont venus fortement entraver mon travail. Du moins sur le plan de la communication, car heureusement, je pense avoir réussi à limiter au maximum les effets sur l’écriture. Par ailleurs, cette période n’a pas été vide en réflexions. Elle a notamment été l’occasion de réfléchir au fameux mythe de l’artiste maudit·e.
Une légende très répandue prétend que l’art naît de la souffrance, que les artistes ne sont mieux inspiré·e·s que lorsqu’iels traversent des périodes difficiles et des épreuves. Croyance erronée ou réalité universelle ? Ou bien quelque chose entre les deux ? Ce sujet fort intéressant m’a fait me poser de nombreuses questions et je crois pouvoir aujourd’hui apporter quelques éléments de réponse très personnels.
La souffrance n’engendre pas la créativité : elle la tue
Je ne crois pas que les épreuves et le malheur engendrent la créativité. Je ne crois pas que la souffrance soit nécessaire à la création. Je pense au contraire qu’elle l’entrave.
Lorsque vous traversez des moments difficiles, vous avez d’abord autre chose à faire que créer. C’est triste à dire, car l’art devrait bien être la première occupation de tout être humain, mais quand vous traversez un deuil, un accident, une perte ou n’importe quelle difficulté, vous êtes souvent appelé·e par des urgences matérielles pour essayer de résoudre la situation sur le plan pratique.
Par ailleurs, émotionnellement, les épreuves de la vie ne me paraissent pas la période idéale pour créer. Dans ces moments-là, on éprouve bien souvent de la peur, du stress, de l’anxiété ou de l’angoisse. Si vous avez déjà expérimenté ces émotions, vous savez comme moi qu’elles ont une tendance bloquante, empêchent de se concentrer, réduisent le champ de vision, bref, elles ne sont pas vraiment la voie du rêve. Par-dessus cela, les difficultés apportent aussi leur lot de tristesse, d’abattement, de découragement, de fatigue, voire de déprime. Autrement dit, les parfaites émotions alliées de l’immobilité et la sécheresse créative.
Occupé par des urgences pratiques et accablé de sentiments bloquants, l’esprit n’est donc pas du tout dans de bonnes dispositions pour créer quand il traverse des épreuves. Mes périodes d’écriture les plus fastes étaient celles où je disposais de la plus grande liberté et du plus de temps libre, tandis que mes périodes de page blanche avaient toujours lieu pendant les galères. Je tords donc le cou à cette croyance selon laquelle la souffrance est une aubaine pour l’art. Non, la souffrance tue l’art. Elle empêche l’artiste de se motiver pour se mettre à son travail. Elle assèche les idées et détourne de l’objectif.
L’art comme catharsis
Pourtant, les témoignages vantant leurs épreuves comme des périodes fastes pour leur art abondent. Mais j’ai l’impression qu’un raccourci s’est glissé dans l’interprétation. Est-ce vraiment la souffrance qui est nécessaire à l’art, qui a été son déclencheur ? N’est-ce pas plutôt l’art qui est venu comme un moyen de faire cesser la souffrance ?
De ce que j’ai observé des mes propres expériences, la créativité ne venait jamais pendant les périodes difficiles. Elle venait toujours après, une fois que les urgences matérielles étaient réglées, que la souffrance avait été apaisée, que la motivation était revenue et que l’esprit s’était éclairci. Cette créativité post-épreuve aurait-elle germé sans ladite épreuve ? Oui. Certains de mes plus beaux moments de flow artistique, de flux créatif, ont eu lieu dans des périodes où j’allais bien.
La souffrance ne préexiste pas à la créativité. La création préexiste, la souffrance vient l’entraver et la créativité finit par se rebeller, tente de revenir en force. Mais elle ne s’épanouit que dans un esprit apaisé, clair et déterminé. Ce qui n’est pas le cas d’un esprit empêtré dans des difficultés.
Oui, la créativité peut puiser dans les épreuves. Parce que la créativité puise en réalité dans tout ce qu’elle trouve ! Elle nourrira ses idées des épreuves comme des moments joyeux. Mais elle ne pourra le faire que lorsque l’élan créatif ne sera plus entravé par lesdites épreuves.
Le rêve, moteur de la création ?
Dans mon cas, ma créativité me vient de moments d’optimisme, de beauté et de rêve, où tout devient possible. Elle se tarit lorsque l’horizon rétrécit et que les spectres du désespoir viennent tuer toute motivation.
La personne en souffrance rêve de lendemains meilleurs, mais surtout d’un présent moins sale. Une personne en pleine possession de ses moyens et avec le confort nécessaire peut se laisser aller à imaginer tout en plus grand, en plus merveilleux, en plus incroyable. La personne en difficulté voit ses rêves s’écrouler, doute des possibilités, sombre dans le désespoir.
Je ne saluerai jamais mes périodes difficiles comme des terreaux de créativité, mais comme des ralentisseurs. Tout ce que je pourrai en tirer comme inspiration par la suite ne devra jamais servir à justifier et valoriser ces moments difficiles qui ne sont pas plus fertiles que les moments de bonheur.
Voilà pourquoi je ne crois pas que la souffrance et les difficultés soient nécessaires à la vie d’auteur·rice, qui aurait bien davantage besoin du confort facilitant la création !
Je vous laisse avec ces quelques réflexions et je retourne travailler sur mon prochain roman !
À très vite !
Sarah T.
Merci pour cet article ! Dans « Big magic » Elizabeth Gilbert met à mal aussi cet image de l’artiste maudit… & il faut effectivement en sortir 🙂
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Merci pour la référence ! J’irai jeter un coup d’œil à cet ouvrage qui semble fort intéressant =)
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