Écrire un livre, c’est s’exposer à la critique du lectorat. C’est même la rechercher, que ce soit en bêta-lecture pour préparer le livre avant sa publication ou bien après, autant pour améliorer la visibilité de l’ouvrage que pour simplement avoir des échos de son travail. C’est aussi parfois critiquer soi-même. Devenir auteur·rice implique d’entrer dans une communauté particulièrement hétéroclite mais qui promeut souvent l’entraide pour améliorer l’écriture.
Pourtant, quand on sait à quel point un·e auteur·rice peut développer un attachement très fort à ses écrits, on peut trouver difficile d’émettre et de recevoir des critiques sur ses ouvrages et ceux des autres.
Pour cela, les forums sont bien sûr le lieu idéal pour recevoir et donner des avis. Mais on peut aussi y être confronté·e sur les réseaux sociaux ou encore les sites d’achat… Se prêter à l’exercice dans les deux sens permet de vite en apprendre sur l’art et la manière de faire des critiques et d’en recevoir.
L’émotion, clé de la critique
Pour qu’une critique soit bien reçue, elle doit à mon sens satisfaire à une condition parmi les deux suivantes : ou bien elle n’est que positive, ou bien elle est parfaitement neutre. Par neutre, je n’entends pas que la critique s’abstient de relever tout point positif ou négatif : le principe de la critique est justement de pointer les éléments positifs et négatifs. Par neutre, j’entends un avis dénué d’émotion. La critique positive peut se laisser aller aux sentiments, au lyrisme : puisqu’elle ne fera que l’éloge de l’œuvre, et donc flattera l’estime de la personne critiquée plutôt que la descendre, elle peut s’accompagner d’émotions appuyant son enthousiasme. En revanche, une critique pointant majoritairement des aspects négatifs se doit de prendre des pincettes.
Je vois deux manières de souligner des aspects négatifs : avec l’intention de blesser ou avec l’intention d’aider la personne critiquée. Dans le premier cas, lae critique se laisse emporter par ses sentiments sur l’œuvre et souhaite faire payer à l’auteur·rice le mauvais moment qu’iel a passé. Dans le deuxième cas, lae critique ne souhaite pas décourager l’auteur·rice.
Concrètement, plus la critique sera argumentée en expliquant objectivement pourquoi vous n’aimez pas, plus elle sera reçue comme un conseil que comme une attaque. Un moyen de montrer votre bonne foi peut aussi être de relever sincèrement des éléments positifs de l’œuvre.
Le choix des mots
Quelques formulations peuvent aussi changer complètement l’effet d’une critique, même si l’intention et le fond sont les mêmes.
Commencer ses phrases par « Je pense que », « Je trouve que », « À mon avis »… peut souligner que l’on donne là son avis personnel, que celui-ci n’a pas valeur de règle universelle et que lae destinataire peut en faire ce que bon lui semble. Le conseil qui va avec est d’éviter toute formulation du type « Tu devrais », « Tu ferais mieux de », « Tu aurais dû »…
Pour souligner le fait que l’on donne bien son avis sur ce que l’on a perçu de l’œuvre, et non sur ce que son auteur·rice a voulu dire, on peut utiliser des verbes comme « sembler », « paraître », « avoir l’air », « donner l’impression », etc. plutôt que « être » ou « vouloir dire ». Ainsi, vous ne préjugez pas de ce que l’œuvre est ou de ce que son auteur·rice a voulu en faire, vous vous contentez d’exprimer ce que vous avez ressenti en la lisant.
Les questions, ou comment amorcer un dialogue
La critique peut aussi être l’occasion de discuter de l’œuvre avec son auteur·rice. En posant des questions sincères, et non rhétoriques, dans votre critique, vous faites d’une pierre deux coups : au lieu d’assener un jugement, vous soulevez des interrogations, montrant une ouverture d’esprit plus grande que si vous vous contentez de donner un avis sans vous questionner ; ensuite, vous tendez la main à l’auteur·rice pour lui laisser la possibilité de pousser la réflexion afin d’améliorer ses prochains romans ou de vous expliquer ses choix.
Vous pouvez par exemple demander : « Pourquoi ici as-tu fait cela ? Moi, j’aurais plutôt fait ceci… » Ainsi, vous laissez toute latitude à l’auteur·rice de considérer cet avis comme le vôtre, de s’interroger sur ses choix, tout en ayant la possibilité de les assumer, comme les siens, puisque c’est ellui l’auteur·rice et pas vous.
Ce qui m’amène à la façon de prendre les critiques : un·e auteur·rice doit absolument veiller à ne pas prendre la critique personnellement, même si elle lui est adressée personnellement. C’est extrêmement difficile, d’autant plus que nos œuvres sont souvent comme une partie de nous.
Ce qui m’a personnellement aidée, c’est justement de me prêter à la critique d’œuvres similaires aux miennes, auprès de personnes qui pouvaient également commenter les miennes. Ainsi, nous étions sur un pied d’égalité, dans un mécanisme d’échange. Je pouvais me mettre la place de l’auteur·rice quand je critiquais et à la place du lectorat quand je recevais une critique. Tout en donnant mon avis, j’imaginais qu’une personne faisait de même à propos de mon livre en utilisant les mêmes mots que moi. Je pouvais ainsi adapter ma formulation pour donner une critique plus constructive, et non destructrice.
J’espère que ce retour d’expérience pourra aider auteur·rice·s comme lectorat, pour encore plus de partage autour des livres !
À bientôt !
Sarah T.