En fantasy peut-être davantage qu’ailleurs, une question cruciale se pose souvent : volume unique (one-shot dans le jargon) ou série de plusieurs tomes ? Pour le lectorat comme pour l’auteur·rice, la question du nombre de livres que comportera l’histoire devient un élément à considérer pour choisir quoi lire ou quoi écrire.
Le one-shot, l’assurance d’en voir le bout
Le premier avantage du one-shot, surtout pour le lectorat, est qu’on en aura vite fini. Pas de dizaines de tomes à se procurer, pas de sortie à attendre en espérant que la série se termine un jour (tout en souhaitant qu’elle continue)… Le one-shot évite tout d’abord l’attente.
Il offre aussi un certain gain de place par rapport à une série en treize tomes, même si les bibliophiles sont rarement avares d’étagères pour les objets de leur amour. Bien entendu, la question ne se pose plus pour les livres numériques.
Pour l’auteurice, le one-shot permet de passer plus rapidement à autre chose une fois le point final posé. Pas de garantie d’aller forcément plus vite dans l’écriture, mais on évite l’obligation de rester le nez dans la même histoire pendant des années. Si comme beaucoup d’écrivain·e·s, je m’attache énormément à mes récits, j’apprécie de pouvoir terminer une histoire et en commencer une nouvelle. Le sentiment d’accomplissement y est pour beaucoup, le besoin de variété pour entretenir la motivation n’est pas en reste.
La série, corne d’abondance ?
La série est plutôt populaire, en particulier en fantasy. La trilogie y tient une place privilégiée, mais les sagas en cinq, sept, treize ou vingt tomes sont aussi fréquentes.
La multiplication des volumes prolonge bien sûr le plaisir de la lecture. Elle offre en outre des possibilités de suspense que l’on peut habilement coupler avec une campagne commerciale.
La série est aussi parfois un choix éditorial : Le Seigneur des Anneaux n’était pas prévu pour être découpé en trois tomes et constituait un unique volume à son origine. Mais la longueur du récit a contraint à cette division pour en faciliter la publication.
L’abondance de séries en fantasy plus encore que dans les autres genres littéraires tient également pour partie à la nature même de ce registre. La fantasy comporte une part non négligeable d’aventure, un monde souvent vaste et complexe, des systèmes de magie et toute une géopolitique à présenter et expliquer… Le contenu souvent intrinsèquement chargé d’un roman de fantasy se trouve alors bien plus facile à dérouler sur plusieurs tomes que sur un unique volume condensé au maximum.
Peut-on aussi voir un lien entre la popularité des séries littéraires et celle des séries audiovisuelles par rapport aux films et livres uniques ? Je ne m’aventurerais pas sur ce terrain, manquant d’éléments pour apporter une réponse étayée, mais la question reste intéressante.
Le choix du lectorat, le choix de l’auteur·rice
Finalement, quelle option élire entre one-shot et série ? Pour l’écrivain·e, le choix pourra se faire d’abord sur l’intrigue : l’histoire que j’ai à raconter tient-elle d’un seul tenant ou est-elle composée de plusieurs sous-parties elles-mêmes cohérentes comme un tout à leur échelle ? Une histoire si complexe et vaste qu’elle a besoin de s’étendre en longueur ne doit pas hésiter à se scinder en plusieurs tomes ; mais une histoire qui trouvera sa conclusion dans un nombre de mots plus restreint n’a pas à rougir d’un complexe d’infériorité !
L’auteur·rice pourra aussi se poser la question sur un plan plus matériel et pragmatique. La série est plus longue, impose une régularité sur une durée plus étendue, demande de réitérer l’énorme travail de création d’un livre (au-delà du manuscrit seul) non pas pour une nouvelle histoire mais plusieurs fois pour la même… Le one-shot n’empêche toutefois pas de revenir sur sa décision et de créer une suite à un premier ouvrage que l’on pensait terminé. Cette option peut comporter des risques de confusion dans la présentation des tomes (un premier tome non numéroté notamment) et la démarche de créer une suite à une intrigue n’est pas la même que celle de la découper en plusieurs parties. Mais cette possibilité présente l’avantage de libérer l’auteur·rice de la contrainte d’un choix définitif.
Contrainte dont l’écrivain·e peut se défaire en adoptant une solution hybride : un ensemble de one-shot reliés par un élément qui les range dans le même univers. Si elle peut passer totalement inaperçue pour le lectorat, cette solution offre à l’auteurice de travailler plusieurs intrigues complètement différentes sans avoir à recréer un monde de A à Z à chaque fois (sans toutefois libérer l’écrivaine de l’obligation de présenter son monde à chaque ouvrage, sous peine de perdre tout lectorat qui n’aurait pas lu le premier !).
Quant au lectorat, si on comprend aisément que la question se pose de se lancer ou non dans la lecture d’une série, je n’en vois pas l’intérêt en ce qui concerne le one-shot. La série demande un investissement plus conséquent en argent, en place et en durée. Même si le lectorat a bien évidemment le droit de cesser sa lecture à tout instant dans la série, lui restera tout de même la frustration de ne pas être allé au bout. Mais pour un one-shot, que peut-il bien avoir à perdre à essayer un unique roman ? Est-ce la frustration d’une gourmandise trop petite à son goût qui le freine ? Considérant la quantité de livres disponibles sur le marché, j’en doute un peu…
Quel que soit votre choix, en tant que lectorat ou auteur·rice, rappelez-vous que ce n’est pas la taille qui compte mais bien la qualité de l’intrigue et de ses personnages ! 😉
À très vite !
Sarah T.