Avec « Histoire d’une publication », je vous emmène dans les coulisses de la création de mes romans. Découvrez-en plus sur le récit derrière le récit !
Après vous avoir conté l’aventure de mon premier roman publié, Angélique Hacker, continuons avec le deuxième, Les Portes du chaos. Celui qui avait commencé comme un exercice de style sans grande ambition a finalement trouvé sa place dans la famille de mes ouvrages.
La genèse : faisons un journal
L’histoire des Portes du chaos commence à la fin de l’automne 2006. Je suis en classe de 5e et des profs du collège ont eu l’idée de lancer une activité fort ludique : un club journal. Notre groupe de vingt élèves et quatre enseignant·e·s se fixe pour objectif de rédiger une feuille de chou pour l’établissement, avec ses rubriques inspirées des magazines : littérature, cinéma, sciences, animaux, recettes, jeux… Dans un élan de volontarisme enflammé par ma passion pour l’écriture et l’opportunité que je vois briller devant moi, je propose de rédiger un feuilleton pour le journal, comme ceux en vogue au XIXe siècle.
Ma proposition est acceptée. Je suis au comble de l’enthousiasme. Reste à présent à trouver un récit à proposer à notre lectorat. Pas question pour moi d’utiliser Angélique Hacker à cette fin. Je dois inventer une nouvelle histoire. Armée de mon meilleur ami le cahier, je commence tout de suite à rédiger des fiches de personnages… pour une amourette collégienne. Deux pages de fiches vite faites pour les deux protagonistes et j’enchaîne sur la première page du brouillon. Au bout d’une quinzaine de lignes, je rature mon texte d’une grande croix et j’appose la mention « Rapé » au bas des fiches. Ça ne va pas du tout. Cette histoire est nulle. Elle ne plaira à personne, pas même à moi.
J’ai besoin de quelque chose d’un peu plus sérieux, un peu plus ambitieux. Un récit que j’ai vraiment envie d’écrire. Les romances, j’aime bien en regarder et en lire à petite dose, mais en rédiger, je l’ai déjà fait (souvenez-vous, mon tout premier projet d’écriture, avant Angèle) et je m’y suis vite sentie à l’étroit. L’amour, c’est notre obsession, surtout à cet âge. Mais moi, qu’est-ce que j’aime encore plus, qu’est-ce qui me fait davantage vibrer, qu’est-ce qui fait voler dans mon estomac non seulement des papillons mais aussi des dragons ? La fantasy, bien sûr… J’ai besoin de magie, d’évasion et d’aventure épique. Tant pis si tous mes camarades ne me suivent pas dans mon histoire, c’est cela que j’ai besoin d’écrire. Est-ce risqué d’entamer un deuxième roman de fantasy alors que j’en ai déjà un en cours d’écriture ? Oui mais voilà : mener un seul projet à la fois, je ne sais pas faire…
Je tourne la page et recommence mes fiches. Cette fois, je m’étale un peu plus. Mon protagoniste, puis l’univers, les races, les créatures, les métiers, puis d’autres personnages, et des dessins, et une carte avec des villes, des forêts, des montagnes… Je suis à sept pages. Manifestement, je suis bien plus inspirée cette fois. Je tiens peut-être le bon bout.
La rédaction : pas de brouillon sur cahier
J’attaque la rédaction, non pas sur un cahier, mais directement sur l’ordinateur, comme si j’étais sûre que cette histoire était la bonne et que c’était elle que j’allais livrer au journal. Mon récit n’a pas encore de nom et je nomme le fichier « Le Feuilleton Littéraire », comme il sera titré dans le canard.
La rédaction coule cette fois beaucoup plus vite. Je n’ai qu’une page à produire par numéro, pour seulement quatre numéros dans l’année. Je prends soin de terminer chaque épisode sur une note de suspense. Mes fiches ont beau être succinctes, je vois les personnages s’esquisser dans ma tête. Elle est peut-être là, la différence entre mes projets abandonnés et ceux qui iront jusqu’au bout. Pour ces derniers, les personnages sont vivants.
Dédain collégien du public, manque de moyens, surcharge de travail pour les profs ou démotivation de l’équipe, je ne saurai jamais, mais le journal s’arrête à la fin de l’année scolaire, au bout de quatre numéros. Malgré les exemplaires de notre feuille de chou gisant sur le sol de la cour, j’ai tout de même obtenu quelques échos sur ma prose. Apparemment, mon récit ne serait pas mal. Je n’en saurai pas plus. Mais en quatre épisodes, j’ai atteint l’élément perturbateur de mon récit. C’est trop tard : Danaël, le protagoniste, a complètement pris vie dans ma tête. Je dois continuer et finir cette histoire. Peu importe la fin du journal du collège, qui n’était qu’un support. Je vais poursuivre la rédaction de mon côté, comme pour Angélique Hacker.
Entre Angèle sur son cahier (et rapidement sur l’ordinateur) et Danaël directement sur la machine, j’ai de quoi écrire. Pourtant, je prends quand même dix ans pour terminer le Feuilleton Littéraire. Après tout, je suis censée me concentrer sur un « vrai » métier et laisser l’écriture pour mon temps libre ? Ou comment ne pas mener un projet au bout (ou le faire trainer pendant des années quand, comme moi, on ne peut pas commencer un projet sans le terminer)… Heureusement, Danaël et ses amis peuvent compter sur mon attachement qu’ils ont su faire grandir au fil de leurs aventures.
La relecture et la publication : à la chasse aux maisons d’édition
Quand je tape le point final de cette histoire en juin 2016, elle n’a toujours pas de titre. Je prends sept mois pour la relire et la corriger méticuleusement. Angélique Hacker, que j’avais commencé bien avant, n’est toujours pas fini. Dans un sens, ça tombe bien. Je tiens énormément au Feuilleton Littéraire, comme à tous mes romans (même ceux que je n’ai pas menés à terme). Angélique Hacker étant mon tout premier vrai roman, il occupe cependant une place toute particulière dans mon cœur. Je sais par ailleurs pertinemment que décrocher un contrat d’édition est extrêmement difficile. En me renseignant sur les maisons d’édition, j’ai découvert l’autoédition. Je veux tenter ma chance auprès des maisons et être publiée comme mes auteur·rice·s préféré·e·s. Mais je n’ai aucunement l’intention d’attendre leur bon vouloir. Je crois en mes romans. C’est donc décidé. Le Feuilleton est le parfait candidat pour tenter ma chance auprès des maisons, tandis qu’Angèle se lancera à l’assaut de l’autoédition sans attendre.
Avant de préparer le Feuilleton pour ses candidatures, je tiens à lui faire passer une dernière épreuve : la bêta-lecture. J’ai rassemblé des tas de conseils sur la relecture et la correction des romans : le faire lire à une tierce personne en fait partie. Je confie la mission à mon compagnon de l’époque, qui s’en acquitte avec rapidité. En trois mois, je récupère mon tapuscrit, fort de ses remarques. Rien de massif à corriger, le boulot est rapidement bouclé. Le Feuilleton est prêt pour se présenter aux maisons d’édition… ou presque. Il a encore besoin d’un titre. Ce sera Les Portes du chaos.
Le roman passe quatre années à solliciter vingt-deux maisons, pendant que je termine mon travail sur Angélique Hacker. C’est peut-être là un avantage de mener plusieurs romans de front : cela aide à supporter l’attente des réponses. Tant que je suis occupée avec Angèle, je ne relâche pas mes efforts et continue à sélectionner des maisons et à préparer soigneusement mes envois. Je veux en tenter le maximum, avec un seul roman. Je sais que ce sera une affaire de chance et je sais aussi que je ne saurai pas rester éternellement dans l’attente.
La publication, deuxième épisode : retour au papier
Au milieu de l’année 2021, Angélique Hacker est déjà publié depuis plus de six mois, tandis que mon troisième roman est terminé, relu et a été confié à un nouveau bêta-lecteur. Je n’ai plus d’autre projet en cours (même si j’ai toute une liste d’idées), après avoir passé une dizaine d’années sur les trois qui atteignent enfin leur conclusion. Je décide alors de rappeler Les Portes du chaos au rapport.
Mon brave guerrier s’en sort avec quinze refus, quatre échecs (des prestataires à compte d’auteur déguisés en maisons ou bien des maisons en faillite qui supplient de fournir des textes gratuits au lieu de répondre à votre tapuscrit) et trois attentes de réponses qui datent tellement qu’elles peuvent équivaloir à un non informulé. J’estime que Danaël s’est bien battu et n’a pas démérité face à Angèle. Celle-ci l’invite à rejoindre l’aventure de l’autoédition, bras ouverts. J’acquiesce : le test des maisons a rempli ses objectifs, le temps est venu de passer à l’autopublication.
La magicienne du Mäasgard a assumé la lourde tâche d’être la première publiée, au format ebook. Le garçon de Bënagel remplira une nouvelle mission test : le format broché. Afin de m’y appliquer le plus possible, je décide même de le restreindre à ce format. J’ai beau avoir déjà sorti un ebook, je considère que publier un ebook est une chose, publier un broché en est une autre et publier dans les deux formats en est une autre encore. Malgré mon impatience et mon enthousiasme, je tiens aussi à soigner le plus possible mes travaux.
Je me plonge donc dans les guides de préparation du format broché, qui me donne un peu plus de fil à retordre que le format numérique. Heureusement, je peux compter sur deux choses : mes expériences professionnelles et ma passion pour le livre, tant dans son écriture que dans sa fabrication. En décembre, j’arrive enfin au bout de ce périple. Quand je tiens entre les mains pour la première fois un exemplaire des Portes du chaos, je ressens une émotion à la fois différente et aussi forte que lorsque Angélique Hacker s’est affiché pour la première fois sur ma liseuse. En repensant au chemin qu’il a parcouru depuis sa prépublication dans le journal du collège, je me dis qu’il a bien grandi, comme Angèle est passée de mon écriture enfantine à ma récriture adulte. Surtout, je suis satisfaite du résultat du format broché, que j’appréhendais un peu plus que le format numérique. Les deux ayant réussi à donner corps à mes romans, je me dis que je peux désormais éditer dans chacun des formats. Je dois seulement étudier les contraintes inhérentes à la publication d’un même ouvrage dans deux formats différents. Cela tombe bien, j’ai un troisième projet qui arrive à son terme…
À suivre !
Sarah T.