Écrire est un métier – Les finances : combien je gagne avec mes livres

Avec la série de billets « Écrire est un métier », je souhaite vous montrer le travail qui se cache derrière la passion et combattre quelques préjugés autour de l’écriture.

Lorsque vous dites que vous écrivez, la plupart des gens partent du principe que vous faites cela sur votre temps libre, que ce n’est qu’un divertissement et que vous avez un « vrai » métier à côté. Pourtant, une question revient toujours, qu’on ne me pose jamais lorsque je parle de ma passion pour les jeux vidéo par exemple : tu les vends, tes livres ? Et surtout : tu touches combien ? Vous l’aurez compris, dans ce billet, on va parler pépettes et aussi s’aventurer dans la grande question : qu’est-ce qui rapporte le plus, de l’ebook ou du broché ?

Combien je gagne avec mes livres

Autant le dire tout de suite : je ne gagne presque rien avec mes romans. J’ose espérer que ce ne sera pas une réponse définitive ! Mais en attendant, au moment où j’écris ce billet, après deux ans et demi et trois romans publiés, j’ai vendu 33 exemplaires et gagné 55 euros. Oui, vous avez bien compté, moins de 1,70 euros par livre. Alors qu’ils sont vendus 5 euros pour le moins cher.

Bon, déjà, on doit retirer aux 33 exemplaires les 10 vendus sur Kobo et la Fnac qui ne rassemblent pas le montant suffisant pour récupérer les redevances. Eh oui, car si KDP vous verse vos redevances quel qu’en soit le montant, KWL ne vous les vire qu’au-dessus d’une certaine somme. Le volume, toujours le volume… Cela ne fait toujours guère que 2,40 euros par livre. Mais où sont donc passés les 2,60 euros restants ? Pour le savoir, vous devez comprendre deux choses : la composition du prix du livre et la différence entre un broché et un ebook.

Comment est déterminé le prix de mes livres ?

Pour fixer le prix de mes livres, un petit calcul s’impose. La première question qui vient est « quel prix le lectorat trouvera-t-il convenable ? » La tentation serait de répondre « gratuit, bien sûr ! » La réalité n’est pas si simple. D’abord parce que la relation entre prix et impression de qualité est très complexe et qu’un même prix aura des effets très différents en fonction de la personne et du produit. Dans tous les cas, rien ne garantit que la gratuité fonctionne à tous les coups. Mais surtout, la gratuité n’entre même pas dans les options possibles : si les auteur·rice·s étaient rémunéré·e·s pour leur art, leurs livres pourraient peut-être être proposés gratuitement. Or dans le système actuel, les écrivain·e·s ne sont que peu voire pas rémunéré·e·s pour leur travail, à moins de vendre les livres. En attendant l’aboutissement d’un changement du système, le prix de mes livres est donc par défaut supérieur à zéro.

Ceci étant posé, comme je l’ai dit, évaluer le prix adéquat en fonction du produit peut s’avérer très complexe. Le moyen par défaut le plus simple que j’aie trouvé pour l’instant était de comparer les prix du marché et de suivre les conseils de pairs1. Ceci constitue une première base, mais d’autres facteurs que la convenance du prix pour le public entrent en ligne de compte. En particulier, les frais divers et variés de fabrication, d’envoi ou encore de taxes… Sur ce point, le livre numérique et le livre papier diffèrent très nettement. Je vous détaille cela après.

Mais avant cela, vous devez bien saisir que lorsque vous payez un produit 10 euros, vous ne donnez pas 10 euros à la personne qui l’a créé ou fabriqué. Vous donnez 10 euros qui sont ensuite répartis entre toutes les parties impliquées… et qui peuvent être très nombreuses. Oui, même en autoédition, même quand l’auteur·rice réduit les investissements au minimum ! Je passe rapidement sur les coûts cachés, ce billet n’étant pas un guide de l’édition (mais je pourrai en rédiger un si cela vous intéresse), mais même en choisissant les options les moins coûteuses, en prenant moi-même en charge la correction et la couverture, en publiant sur des plateformes gratuites… je ne publie tout de même pas pour zéro euros. En vrac dans les frais qui me sont finalement tombés dessus dans mon aventure autoéditée : le plan WordPress et le nom de domaine du site, quelques frais postaux, les coûts d’envoi des épreuves…

Mais si on ne compte pas les frais supplémentaires que je paye et que l’on reste uniquement sur la composition du prix du livre en tant que tel, on s’aperçoit qu’une partie ne me rapporte pas. En premier lieu, entre en jeu la plateforme de publication, en l’occurrence Amazon KDP et Kobo WL en ce qui me concerne. Sur un ebook à 4,99 euros, je ne touche que 70 %, soit 3,49 euros. Sachant que sur mes 23 exemplaires vendus, 8 étaient des ebooks, nous restent 27 euros pour 15 brochés. Soit 1,80 euro par livre ! Comment, cela descend encore ?! C’est là que nous arrivons à la partie la plus intéressante : la différence entre le livre numérique et le livre papier, et pourquoi vous soutiendrez bien mieux un·e auteur·rice en achetant le premier que le second.

Des différences entre broché et ebook

Si vous lisez des livres numériques, vous l’aurez probablement très vite remarqué : les prix sont différents entre ebook et broché, le premier étant nettement moins cher que le second. Pour le lectorat du moins.

Car côté auteur·rice, la différence est un peu plus complexe. Le broché comporte en effet un élément qui change tout : l’impression, laquelle a un coût. Reprenons donc le système de redevances de KDP. Pour l’ebook, je gagne 70% du prix public, Amazon récoltant le reste. Mais pour le broché, le calcul est différent. Pour commencer, la redevance sur broché n’est pas de 70%… mais de 60%. Ensuite, les 60% ne s’appliquent pas au prix public TTC mais HT (coucou la TVA). Mais à ce stade, vous n’avez pas encore vos redevances. Vous devez encore retrancher les coûts d’impression. Pour indication, ces derniers s’élèvent à 3,43 euros pour Les Portes du chaos et 4,81 euros pour Les Ombres d’Aleyssia. Et voilà comment ne plus gagner que trois euros sur un livre vendu une dizaine !

Pour résumer, le livre papier coûte plus cher au lectorat et rapporte moins à l’auteur·rice que le livre numérique. Je comprends tout à fait les arguments en faveur du livre papier et loin de moi l’idée de les comparer pour décider lequel est le meilleur. D’ailleurs, si je produis les deux, c’est bien parce que je ne vois aucun intérêt à les mettre en opposition. Je voudrais simplement tempérer l’ardeur de la défense du livre papier en rappelant qu’au-delà des arguments en faveur ou en défaveur de l’un ou l’autre format, le prix vient remettre les choses à plat. Si on parle revenus, l’ebook est plus intéressant pour moi. MAIS ! Ce serait une erreur que de s’arrêter au prix à l’unité. Car si un facteur revêt une importance capitale pour les écrivain·e·s, c’est bien le nombre d’exemplaires vendus ! Voilà pourquoi je peux gagner davantage avec mes livres brochés que numériques : simplement parce que le lectorat décidera d’acheter plutôt le premier que le second.

Vous l’aurez constaté, les histoires financières aux pays du livre sont bien complexes… pour finalement rapporter si peu. Mais hauts les cœurs, je ne désespère nullement de toucher mon public et de finir par vendre de plus en plus ! Sachez en tous cas qu’à chaque fois que vous achetez un livre à un·e auteur·rice autopublié·e, cela a une incidence énorme !

Merci donc à tout mon lectorat qui me lit, achète mes ouvrages et en parle, car sans vous, l’art tournerait en vase clos… Je vous retrouve prochainement pour la troisième et dernière partie de ce billet !

À très vite !

Sarah T.

[1] Notez que je pourrais aussi déterminer le prix du livre en fonction du travail effectué et de mes besoins pour vivre, comme cela se fait dans nombre de métiers. Considérant le temps nécessaire pour produire un livre, je devrais donc le vendre quelques milliers d’euros… Un prix que, je n’en doute pas, vous n’accepteriez pas de payer ! D’où l’option privilégiée de fixer un prix à l’unité bien plus bas et de compter sur le nombre d’exemplaires vendus. Un sujet que je pourrai aborder dans un prochain billet…

Écrire est un métier – La technique, ou les mauvais côtés de l’écriture

Avec la série de billets « Écrire est un métier », je souhaite vous montrer le travail qui se cache derrière la passion et combattre quelques préjugés autour de l’écriture.

Par une mise en abyme cynique, l’écriture est une activité bien souvent romancée. Écrire des livres est perçu comme un passe-temps glamour, uniquement fait d’amusement, pratiqué par des personnes si riches que l’oisiveté leur laisse le temps de gâcher du papier en y vomissant tout ce qui leur passe par la tête. La réalité est bien évidemment très différente. Je me pencherai dans un autre billet sur les considérations pécuniaires ; je voudrais ici m’attarder sur les aspects inhérents à l’écriture, ou pourquoi l’écriture n’est pas seulement un hobby, un passe-temps, un amusement ou un simple divertissement, mais un vrai travail avec des joies et des peines. Parcourons-les donc en suivant le déroulement d’un projet d’écriture.

La page blanche, ou ces moments de la rédaction où l’inspiration ne vient pas

Toutes les personnes qui consacrent du temps à l’écriture le savent et l’ont vécu : un·e auteur·rice finit toujours à un moment ou un autre par se retrouver devant une page blanche. Je casse tout de suite le mythe de l’inspiration divine : les œuvres ne sont pas soufflées aux écrivain·e·s par des anges et d’une seule traite ! Une part de don inné, de créativité et de propension à avoir spontanément des idées est bien sûr indispensable au métier d’écrivain·e ; avec cela, l’auteur·rice doit aussi faire preuve d’un talent assidûment travaillé, d’une capacité à s’interroger et d’une volonté de s’améliorer (je ferai un billet sur le sujet, si cela vous intéresse). Un roman ne se pond pas en une nuit, mais est le fruit d’un long travail acharné. Comme dans tout travail, l’écrivain·e ne peut pas être au maximum de sa forme tout le temps. Parfois, les idées ne viennent pas. Parfois, la fatigue, le découragement, l’impression de déjà-vu, la peur, la honte… viennent saisir les poignets de l’auteur·rice et les lui lier dans le dos.

Écrire un roman est très plaisant : on joue à être une divinité et à contrôler tout un monde ; on rencontre des personnages et on s’en fait des ami·e·s ; on voyage et on laisse parler ses émotions. De temps en temps, c’est aussi très pénible : parce qu’on doit trouver quoi écrire entre deux scènes palpitantes ; parce qu’on doit faire attention à ce qu’on écrit si on veut être lu·e ; parce que si on veut écrire un roman en entier, ça prend du temps, beaucoup de temps. Je suis certaine que presque tout le monde l’a déjà expérimenté : écrire son journal intime, c’est toujours fun, car entièrement libre et sans contraintes ; écrire une dissertation, c’est plus compliqué, voire très pénible si on n’aime pas ça. Or un roman se rapproche parfois plus d’une dissertation que d’un journal intime, quand bien même on n’y distille pas de grandes idées révolutionnaires.

La relecture et correction, très pénible quand on n’a pas les compétences

Un aspect souvent méconnu et négligé dans la fabrication d’un livre : le travail n’est pas terminé une fois la rédaction finie ! Les premiers jets sont toujours à reprendre. À cette étape, la création devient beaucoup moins libre, on doit juger son propre roman, repasser encore et encore sur des passages que l’on connaît par cœur.

Surtout, une des étapes de post-production n’a l’air de rien parce qu’on en parle très peu, mais elle se trouve être bien plus complexe qu’on l’imagine : la correction. Je pourrai développer cela dans un billet si cela vous intéresse, mais sachez déjà que la correction d’un texte ne consiste aucunement à se contenter de passer un correcteur orthographique. Corriger un texte, ce n’est pas seulement vérifier l’orthographe : c’est aussi contrôler la conjugaison et la concordance des temps, ajuster le vocabulaire, harmoniser le style, réparer la grammaire et la construction des phrases… C’est aussi une multitude de règles typographiques (capitales, ponctuation, espaces…), un univers en soi que ne connaissent bien souvent que les professionnel·le·s du secteur.

Autrement dit, on sort là déjà partiellement du métier propre à l’écrivain·e. Si écrire est difficile, cela reste inhérent à l’activité d’auteur·rice. Corriger, en revanche, est également un métier en soi. Sans les compétences nécessaires, un·e écrivain·e qui ne confie pas ce travail à un·e expert·e a toutes les chances de laisser des erreurs dans son ouvrage. Or ce sont précisément ces erreurs de forme, inconsciemment (ou consciemment !) perceptibles par le lectorat, qui font sortir ce dernier de sa lecture, en dépit de la qualité de fond du texte. Dommage ! Cette étape, qui semble n’être qu’un simple coup de plumeau, est en réalité à prendre avec le plus grand sérieux.

Même quand on dispose des compétences requises pour s’en acquitter, cette tâche demeure fastidieuse, longue et bien moins attractive que l’étape précédente de création. Alors, bien sûr, on trouvera toujours des énergumènes (comme moi) qui vouent une véritable passion aux insécables, aux capitales accentuées et aux tirets demi-cadratins, mais nombre d’auteur·rice·s ont l’amour des récits et de l’écriture sans forcément avoir celle des subjonctifs imparfaits, des verbes pronominaux réfléchis et des règles d’accord du participe passé. Pour ces dernières personnes, l’étape de correction peut donc représenter un vrai calvaire.

Les alpha et bêta-lectures, ou la boxe de l’estime de soi

Le livre est écrit, relu, corrigé, récrit… On a bien envie de le faire lire à présent. Mais avant de le jeter en pâture au lectorat, on voudrait quand même bien avoir un premier avis, histoire de s’assurer que le roman est vraiment prêt. Un œil extérieur, qui pourrait relever des défauts que nous n’avons pu voir. C’est le rôle de l’alpha-lectorat (avant la relecture et correction, voire pendant la rédaction) et du bêta-lectorat (après la relecture et correction).

Cette étape est à la fois excitante et très difficile. Non pas techniquement, mais plutôt émotionnellement. C’est, généralement, la première fois que notre précieux roman va recevoir des critiques et voir tous ses défauts pointés. C’est le moment où, après tous les efforts fournis pour écrire l’ouvrage en entier, on va nous dire que des choses ne vont pas dedans. Alors qu’on arrive à cette étape à la fois épuisé·e par le travail fourni jusque-là et excité·e par l’imminence d’une publication, la relecture par une tierce personne nous met face à une terrible éventualité : celle de devoir retourner aux premières étapes, de devoir récrire, voire repenser son intrigue ou ses personnages. Et donc, potentiellement, de devoir refaire un tour par l’étape de correction, puisqu’on aura modifié le texte.

Abandonner un projet de roman est très fréquent au moment de la rédaction. On peut vouloir s’être lancé·e pour mille raisons et vouloir finalement arrêter pour d’autres, et cela n’est pas un mal. Tout le monde peut écrire, mais tout le monde ne peut pas devenir écrivain·e. Abandonner pendant la relecture et correction me semble beaucoup plus rare : à ce stade, le roman est écrit, ce n’est qu’une étape fastidieuse à passer, mais elle est délimitée par la longueur même du roman. Abandonner pendant la relecture par une tierce personne me paraît plus probable : cette fois, non pas parce que les idées sont taries, parce que l’écriture ne fonctionne pas, parce qu’on a changé d’avis… mais simplement parce que ressort pour l’auteur·rice de cette alpha ou bêta-lecture que le roman est trop mauvais pour être publié et que le travail pour le rendre potable serait bien trop important. La rédaction est une chaîne de montagnes à gravir. L’alpha et la bêta-lecture sont l’épreuve du feu.

L’aspect technique de l’autoédition : vraiment bloquant quand on ne sait pas faire !

Le livre est écrit ? Corrigé ? Relu ? Récrit, recorrigé, rerelu mille fois ? Bravo ! Ce n’est pas fini… Au-delà de son contenu, le livre est un objet en soi (même dans son format numérique !). Comme tout objet, il demande à son tour un travail bien minutieux pour se matérialiser. On revient là de nouveau aux considérations techniques. Si la correction demandait une maîtrise du français et de la typographie, la publication y ajoute des notions de fabrication de livre et d’informatique qui conduisent bon nombre d’écrivain·e·s à reconsidérer le rôle de la maison d’édition.

Alors, vous pouvez toujours faire comme je l’ai fait pour mon « roman » 0 de dix pages (la courte romance que j’avais écrite à l’école primaire, avant Angélique Hacker) et imprimer votre ouvrage sur des feuilles A4 puis les relier avec de la ficelle. Mais soyons honnêtes, je pense que vous feriez la même tête que si je vous vendais un vélo électrique et qu’en guise dudit objet je vous livre un vélo mécanique sur lequel j’ai fixé un panneau solaire au ruban adhésif… Comme tout objet de qualité professionnelle, un livre papier ou numérique suit des règles de fabrication bien spécifiques.

Là encore, tout le monde n’est pas spécialiste du sujet, loin de là, et on comprend alors la diversité des métiers du livre. Mais là où le livre se situe entre deux mondes, c’est que tout en étant un objet complexe difficile à réaliser seul·e, il est aussi un objet d’art que l’on peut tout à fait réaliser de A à Z soi-même. Et lorsque la rédaction demande une curiosité à l’égard du monde, des gens, de la psychologie et des phénomènes sociaux pour écrire des récits consistants, la publication demande celle envers l’artisanat propre au livre.

Vous trouverez des auteur·rice·s qui ne se sont pas encombré·e·s de ces considérations et se sont contenté·e·s de balancer un PDF au hasard sur Amazon. Vous comprendrez aussi pourquoi l’autoédition souffre encore d’une image d’amateurisme. Mais si vous souhaitez que vos pages tombent bien, que vos ebooks ne comportent pas de bugs, préparez-vous à passer des heures et des heures sur vos fichiers dûment écrits, relus et corrigés pour simplement les mettre en forme. Une étape que l’on aurait tort de négliger parce que c’est la mise en accessibilité du livre qui lui permet d’être lu.

La dimension légale et administrative, un vrai casse-tête

Vous avez vaincu les veuves et orphelines de votre maquette de broché ? Vous vous êtes escrimé·e en vain avec les insécables sur votre livre numérique ? Bon, vous allez pouvoir cliquer sur publier maintenant… Attendez ! Vous croyiez vous en sortir si facilement ? Ha ha, que nenni ! Comme toute action qui met en relation des êtres humains, la publication d’un livre obéit à des règles. Règles qui ont pris la forme de lois, pour organiser un peu ce secteur foisonnant. Allergiques à la paperasse administrative, préparez-vous ! Si vous n’aviez abandonné ni à la rédaction, ni à la correction, ni à la relecture, ni même à la préparation technique, rassemblez votre courage car vous allez entrer dans les méandres des règles légales du livre !

Statut fiscal, mentions légales, déclarations, ISBN, dépôt légal… Encore une différence avec l’écriture de fanfictions purement ludiques pour s’amuser et passer le temps, publier un livre en tant que tel demande de se poser quelques questions supplémentaires. Contrairement aux règles techniques de mise en forme qui restent relativement stables dans le temps, les lois ont en plus la facétie de varier au fil des années. Dernier exemple en date : l’intégration de l’autoédition dans le régime des artistes-auteurs. Et si en faisant fi des règles lors des étapes précédentes, vous risquez seulement de ne pas être lu·e, cette fois vous risquez surtout d’être en infraction avec la loi. Beaucoup plus dangereux, bien moins rigolo.

La galère du marketing : de la difficulté à se faire connaître et à trouver un lectorat… ou quand le roman ne plaît pas et que l’estime de soi prend (encore) un sacré coup

Bon, allez, vous avez passé toutes les épreuves, vous avez le droit de cliquer sur « Publier ». Ouf ! Fin de l’aventure ? Si les romans se vendaient tous seuls, ça se saurait… Même une fois votre livre terminé et publié, vous n’avez jamais vraiment fini d’en entendre parler. Tout simplement parce que le faire connaître est un autre travail en soi.

Bien sûr, là aussi, vous pourriez hausser les épaules et ne pas vous en préoccuper plus que cela. Ce que je comprendrais totalement. Pour ma part, je n’ai jamais écrit dans l’optique que ce soit uniquement pour moi. Bien sûr, j’écris énormément pour moi, dans le sens où mes romans me plaisent avant tout. Je ne réfléchis pas un roman d’abord en fonction de ce qui va plaire au public, mais de ce qui me plaît à moi, au moins dans un premier temps. Mais si je voulais les garder pour moi, je ne prendrais pas la peine de les publier. Si je les publie, c’est bien parce que je veux les vendre et les faire lire à un maximum de gens. Je veux que le lectorat découvre ma plume, s’en fasse un avis et partage les aventures merveilleuses que j’ai dans ma tête.

Mais pour faire cela, quelques notions de mercatique sont indispensables. En ce qui me concerne, autant j’ai la chance de posséder les compétences nécessaires pour la relecture et correction ainsi que la curiosité, la passion et la culture utiles pour affronter la phase technique, autant en matière de marketing et de publicité, je suis une totale novice en la matière. Pour ne pas dire une ignorante. Et je peux bien l’avouer : que de déception, après tout ce travail, après toutes ces étapes si difficiles à gravir, de voir la mèche refuser obstinément de s’allumer…

La longueur des projets qui demandent de tenir dans la durée

De toutes ces étapes, vous aurez peut-être retenu deux choses essentielles : la variété des tâches qui incombent à l’écrivain·e (autopublié·e) et surtout leur longueur. L’écriture d’un roman, de sa première idée à sa publication, est un processus incroyablement long. On a déjà du mal à faire se rendre compte les non-initiés du temps et du travail nécessaires pour réaliser un dessin, un film, une chanson… Mais en ce qui concerne les romans, la barre me paraît encore au-dessus. Peu de projets prennent autant d’années. Surtout, écrire un roman semble facile : cela ne demande « que » d’écrire des mots sur du papier, tout le monde peut le faire ! Pas besoin de moyens techniques compliqués comme pour un film ou un jeu vidéo, ni de connaissances spécifiques comme pour un dessin ou un sculpture ! Détrompez-vous. Poser des mots sur le papier peut s’avérer bien plus technique qu’il n’y paraît. Surtout, le travail que cela requiert ne s’arrête pas à la seule écriture des mots. Trouver les idées, les réfléchir et les agencer, travailler son style, mettre en forme le roman… Écrire un roman est un travail de longue haleine, avec un résultat bien moins immédiat que ce qu’on peut obtenir aux fourneaux par exemple. En plus de l’inspiration, du style et des compétences techniques, l’écriture de romans demande une ténacité sans faille, un amour inconditionnel de ses personnages qui nous en font voir de toutes les couleurs, un acharnement à voir son histoire prendre corps jusqu’au bout. Vous aurez beau rester des heures sur une chaise, vous allez suer.

Où est-ce que je veux en venir en énumérant les aspects les moins drôles de l’écriture ? Mon propos n’est certainement pas de dénigrer l’amusement, les passe-temps et hobbies qui ne sont que pure détente « improductive », bien au contraire ! Ni comparer l’écriture à d’autres activités artistiques ou artisanales effectuées de manière professionnelle ! Je veux simplement montrer que l’écriture de romans complets et leur publication, au-delà du seul plaisir d’écrire quelques lignes ou fictions de temps à autre, n’est en rien un loisir, mais un vrai travail, au sens premier du terme.

De la même manière que nous avons tous·te·s déjà gribouillé quelques dessins, parfois très beaux (parfois pas du tout !), pour le plaisir, mais que faire de l’illustration son métier n’a plus grand-chose à voir. De même, écrire un roman dans une démarche professionnelle ne peut pas être considéré comme un simple jeu accessible à n’importe qui. Il s’agit bien d’un travail, que l’on choisit d’embrasser avec ses contraintes.

C’est pourquoi en ayant énuméré ces dernières, je n’ai pas mis les revenus faibles voire inexistants dans la liste, car ce n’est pas un trait inhérent au métier mais un choix de la société actuelle de déprécier l’écriture et les écrivaines. Je vous partagerai mon sentiment sur l’aspect financier dans la suite de ce billet…

À suivre !

Sarah T.

Histoire d’une publication : Les Portes du chaos

Avec « Histoire d’une publication », je vous emmène dans les coulisses de la création de mes romans. Découvrez-en plus sur le récit derrière le récit !

Après vous avoir conté l’aventure de mon premier roman publié, Angélique Hacker, continuons avec le deuxième, Les Portes du chaos. Celui qui avait commencé comme un exercice de style sans grande ambition a finalement trouvé sa place dans la famille de mes ouvrages.

La genèse : faisons un journal

L’histoire des Portes du chaos commence à la fin de l’automne 2006. Je suis en classe de 5e et des profs du collège ont eu l’idée de lancer une activité fort ludique : un club journal. Notre groupe de vingt élèves et quatre enseignant·e·s se fixe pour objectif de rédiger une feuille de chou pour l’établissement, avec ses rubriques inspirées des magazines : littérature, cinéma, sciences, animaux, recettes, jeux… Dans un élan de volontarisme enflammé par ma passion pour l’écriture et l’opportunité que je vois briller devant moi, je propose de rédiger un feuilleton pour le journal, comme ceux en vogue au XIXe siècle.

Ma proposition est acceptée. Je suis au comble de l’enthousiasme. Reste à présent à trouver un récit à proposer à notre lectorat. Pas question pour moi d’utiliser Angélique Hacker à cette fin. Je dois inventer une nouvelle histoire. Armée de mon meilleur ami le cahier, je commence tout de suite à rédiger des fiches de personnages… pour une amourette collégienne. Deux pages de fiches vite faites pour les deux protagonistes et j’enchaîne sur la première page du brouillon. Au bout d’une quinzaine de lignes, je rature mon texte d’une grande croix et j’appose la mention « Rapé » au bas des fiches. Ça ne va pas du tout. Cette histoire est nulle. Elle ne plaira à personne, pas même à moi.

J’ai besoin de quelque chose d’un peu plus sérieux, un peu plus ambitieux. Un récit que j’ai vraiment envie d’écrire. Les romances, j’aime bien en regarder et en lire à petite dose, mais en rédiger, je l’ai déjà fait (souvenez-vous, mon tout premier projet d’écriture, avant Angèle) et je m’y suis vite sentie à l’étroit. L’amour, c’est notre obsession, surtout à cet âge. Mais moi, qu’est-ce que j’aime encore plus, qu’est-ce qui me fait davantage vibrer, qu’est-ce qui fait voler dans mon estomac non seulement des papillons mais aussi des dragons ? La fantasy, bien sûr… J’ai besoin de magie, d’évasion et d’aventure épique. Tant pis si tous mes camarades ne me suivent pas dans mon histoire, c’est cela que j’ai besoin d’écrire. Est-ce risqué d’entamer un deuxième roman de fantasy alors que j’en ai déjà un en cours d’écriture ? Oui mais voilà : mener un seul projet à la fois, je ne sais pas faire…

Je tourne la page et recommence mes fiches. Cette fois, je m’étale un peu plus. Mon protagoniste, puis l’univers, les races, les créatures, les métiers, puis d’autres personnages, et des dessins, et une carte avec des villes, des forêts, des montagnes… Je suis à sept pages. Manifestement, je suis bien plus inspirée cette fois. Je tiens peut-être le bon bout.

La rédaction : pas de brouillon sur cahier

J’attaque la rédaction, non pas sur un cahier, mais directement sur l’ordinateur, comme si j’étais sûre que cette histoire était la bonne et que c’était elle que j’allais livrer au journal. Mon récit n’a pas encore de nom et je nomme le fichier « Le Feuilleton Littéraire », comme il sera titré dans le canard.

La rédaction coule cette fois beaucoup plus vite. Je n’ai qu’une page à produire par numéro, pour seulement quatre numéros dans l’année. Je prends soin de terminer chaque épisode sur une note de suspense. Mes fiches ont beau être succinctes, je vois les personnages s’esquisser dans ma tête. Elle est peut-être là, la différence entre mes projets abandonnés et ceux qui iront jusqu’au bout. Pour ces derniers, les personnages sont vivants.

Dédain collégien du public, manque de moyens, surcharge de travail pour les profs ou démotivation de l’équipe, je ne saurai jamais, mais le journal s’arrête à la fin de l’année scolaire, au bout de quatre numéros. Malgré les exemplaires de notre feuille de chou gisant sur le sol de la cour, j’ai tout de même obtenu quelques échos sur ma prose. Apparemment, mon récit ne serait pas mal. Je n’en saurai pas plus. Mais en quatre épisodes, j’ai atteint l’élément perturbateur de mon récit. C’est trop tard : Danaël, le protagoniste, a complètement pris vie dans ma tête. Je dois continuer et finir cette histoire. Peu importe la fin du journal du collège, qui n’était qu’un support. Je vais poursuivre la rédaction de mon côté, comme pour Angélique Hacker.

Entre Angèle sur son cahier (et rapidement sur l’ordinateur) et Danaël directement sur la machine, j’ai de quoi écrire. Pourtant, je prends quand même dix ans pour terminer le Feuilleton Littéraire. Après tout, je suis censée me concentrer sur un « vrai » métier et laisser l’écriture pour mon temps libre ? Ou comment ne pas mener un projet au bout (ou le faire trainer pendant des années quand, comme moi, on ne peut pas commencer un projet sans le terminer)… Heureusement, Danaël et ses amis peuvent compter sur mon attachement qu’ils ont su faire grandir au fil de leurs aventures.

La relecture et la publication : à la chasse aux maisons d’édition

Quand je tape le point final de cette histoire en juin 2016, elle n’a toujours pas de titre. Je prends sept mois pour la relire et la corriger méticuleusement. Angélique Hacker, que j’avais commencé bien avant, n’est toujours pas fini. Dans un sens, ça tombe bien. Je tiens énormément au Feuilleton Littéraire, comme à tous mes romans (même ceux que je n’ai pas menés à terme). Angélique Hacker étant mon tout premier vrai roman, il occupe cependant une place toute particulière dans mon cœur. Je sais par ailleurs pertinemment que décrocher un contrat d’édition est extrêmement difficile. En me renseignant sur les maisons d’édition, j’ai découvert l’autoédition. Je veux tenter ma chance auprès des maisons et être publiée comme mes auteur·rice·s préféré·e·s. Mais je n’ai aucunement l’intention d’attendre leur bon vouloir. Je crois en mes romans. C’est donc décidé. Le Feuilleton est le parfait candidat pour tenter ma chance auprès des maisons, tandis qu’Angèle se lancera à l’assaut de l’autoédition sans attendre.

Avant de préparer le Feuilleton pour ses candidatures, je tiens à lui faire passer une dernière épreuve : la bêta-lecture. J’ai rassemblé des tas de conseils sur la relecture et la correction des romans : le faire lire à une tierce personne en fait partie. Je confie la mission à mon compagnon de l’époque, qui s’en acquitte avec rapidité. En trois mois, je récupère mon tapuscrit, fort de ses remarques. Rien de massif à corriger, le boulot est rapidement bouclé. Le Feuilleton est prêt pour se présenter aux maisons d’édition… ou presque. Il a encore besoin d’un titre. Ce sera Les Portes du chaos.

Le roman passe quatre années à solliciter vingt-deux maisons, pendant que je termine mon travail sur Angélique Hacker. C’est peut-être là un avantage de mener plusieurs romans de front : cela aide à supporter l’attente des réponses. Tant que je suis occupée avec Angèle, je ne relâche pas mes efforts et continue à sélectionner des maisons et à préparer soigneusement mes envois. Je veux en tenter le maximum, avec un seul roman. Je sais que ce sera une affaire de chance et je sais aussi que je ne saurai pas rester éternellement dans l’attente.

La publication, deuxième épisode : retour au papier

Au milieu de l’année 2021, Angélique Hacker est déjà publié depuis plus de six mois, tandis que mon troisième roman est terminé, relu et a été confié à un nouveau bêta-lecteur. Je n’ai plus d’autre projet en cours (même si j’ai toute une liste d’idées), après avoir passé une dizaine d’années sur les trois qui atteignent enfin leur conclusion. Je décide alors de rappeler Les Portes du chaos au rapport.

Mon brave guerrier s’en sort avec quinze refus, quatre échecs (des prestataires à compte d’auteur déguisés en maisons ou bien des maisons en faillite qui supplient de fournir des textes gratuits au lieu de répondre à votre tapuscrit) et trois attentes de réponses qui datent tellement qu’elles peuvent équivaloir à un non informulé. J’estime que Danaël s’est bien battu et n’a pas démérité face à Angèle. Celle-ci l’invite à rejoindre l’aventure de l’autoédition, bras ouverts. J’acquiesce : le test des maisons a rempli ses objectifs, le temps est venu de passer à l’autopublication.

La magicienne du Mäasgard a assumé la lourde tâche d’être la première publiée, au format ebook. Le garçon de Bënagel remplira une nouvelle mission test : le format broché. Afin de m’y appliquer le plus possible, je décide même de le restreindre à ce format. J’ai beau avoir déjà sorti un ebook, je considère que publier un ebook est une chose, publier un broché en est une autre et publier dans les deux formats en est une autre encore. Malgré mon impatience et mon enthousiasme, je tiens aussi à soigner le plus possible mes travaux.

Je me plonge donc dans les guides de préparation du format broché, qui me donne un peu plus de fil à retordre que le format numérique. Heureusement, je peux compter sur deux choses : mes expériences professionnelles et ma passion pour le livre, tant dans son écriture que dans sa fabrication. En décembre, j’arrive enfin au bout de ce périple. Quand je tiens entre les mains pour la première fois un exemplaire des Portes du chaos, je ressens une émotion à la fois différente et aussi forte que lorsque Angélique Hacker s’est affiché pour la première fois sur ma liseuse. En repensant au chemin qu’il a parcouru depuis sa prépublication dans le journal du collège, je me dis qu’il a bien grandi, comme Angèle est passée de mon écriture enfantine à ma récriture adulte. Surtout, je suis satisfaite du résultat du format broché, que j’appréhendais un peu plus que le format numérique. Les deux ayant réussi à donner corps à mes romans, je me dis que je peux désormais éditer dans chacun des formats. Je dois seulement étudier les contraintes inhérentes à la publication d’un même ouvrage dans deux formats différents. Cela tombe bien, j’ai un troisième projet qui arrive à son terme…

À suivre !

Sarah T.

Les chapitres

Quand on travaille sur un roman, on doit penser à de nombreux éléments et notamment aux chapitres. Combien en mettre et de quelle longueur ? Où les commencer et les arrêter ? Doit-on leur mettre un titre ? Autant de questions que j’ai explorées dans ma pratique, en essayant diverses approches.

Un nom pour chaque chapitre

Pour mon premier roman, Angélique Hacker, j’ai voulu conserver le style classique de mes premiers travaux et des livres que je lisais à l’époque. J’ai donc opté pour des chapitres titrés. Ceux-ci suivaient initialement le découpage géographique du voyage d’Angèle : un chapitre par lieu visité. Si cet agencement avait un certain sens au début de la rédaction du roman, il a fini par le perdre, au fur et à mesure que les chapitres se densifiaient. C’est pourquoi à l’issue de la retranscription sur ordinateur, je me suis retrouvée avec des chapitres de deux ou trois pages pour les premiers et de plusieurs dizaines de pages au milieu et à la fin, notamment pour le Tournoi des Sables ! J’ai donc dû remanier les chapitres après coup, en les découpant différemment ou en allongeant les plus courts. Les titres sont restés très sommaires, n’ayant pas un talent particulier pour les titres percutants. Ils présentent néanmoins l’avantage de me fournir un repérage très facile !

Un numéro pour titre

Mon deuxième roman, Les Portes du chaos, était initialement rédigé sous la forme d’un feuilleton (ce que je vous conte dans « Histoire d’une publication : Les Portes du chaos »). Les premiers chapitres ont donc un découpage très court, identique, selon une logique de suspense plus que de chronologie ou de géographie. Lors de la poursuite de la rédaction après l’arrêt du feuilleton, j’ai continué le découpage en chapitres à la manière d’épisodes de série dramatique. Comme pour mon premier roman, les chapitres ont vite eu tendance à s’allonger, mais de façon moins prononcée. En revanche, je n’avais dès le début donné aucun titre aux chapitres, ce que j’ai décidé de conserver en me contentant de les numéroter. Après tout, si je n’avais pas de titres pertinents à apporter, à quoi bon en chercher puisque les numéros suffisaient au découpage ? D’un autre côté, ils se sont montrés quelque peu casse-tête lors de la mise en forme pour publication en broché. En effet, la succession de chiffres sans titres dans la table des matières apporte certes un certain mystère mais fort peu de grâce de mon point de vue. Plus prosaïquement, le gabarit Word de KDP m’a donné du fil à retordre pour faire commencer chaque chapitre sur une page impaire… Une perte de temps dont je me suis bien passée sur mon roman suivant, avant que le boomerang ne me revienne à la figure.

Et si on se passait des chapitres ?

Dans mon troisième roman, Les Ombres d’Aleyssia, j’ai tout simplement oublié de chapitrer mon récit, dès la rédaction du premier jet sur cahier. J’ai écrit le brouillon initial d’une traite, sans me soucier d’un découpage par chapitres, séparant les passages tantôt par un espace (lorsque je change de point de vue sans changer de scène) tantôt par trois étoiles (lorsque je change de scène). Une fois le deuxième jet achevé sur ordinateur, l’absence de chapitres m’a sauté aux yeux. Mais j’ai jugé que le récit n’en avait pas besoin. Il suivait son propre fil, comme les deux premiers romans suivaient le leur, et un découpage plus prononcé me paraissait soudain artificiel. Je voulais également essayer de voir ce que donnerait un roman sans chapitres. J’aime expérimenter de nouvelles choses sur chaque roman, que ce soit le format, les fiches, les personnages, le style… Arrivée à la mise en forme pour publication, j’ai d’abord été contente de me débarrasser du problème des pages paires et impaires en début de chapitre ! Mais j’ai eu droit à deux contreparties : j’ai dû passer beaucoup plus de temps sur le tombé des pages du broché (qui coule mieux avec un livre aux nombreux chapitres qu’avec un unique texte au long) et j’ai dû redécouper tous les fichiers HTML du livre numérique !

Et pour la suite ?

Des leçons tirées de mes expériences sur mes trois premiers romans, je songe à revenir à un découpage par chapitres, délimités après coup et selon le plan de l’intrigue, sans titres. La raison du retour des chapitres n’est ni poétique ni stylistique mais avant tout pratique : ils peuvent me faciliter le repérage lors des étapes de relecture et simplifier la navigation du lectorat, mais plus encore ils forcent un découpage correct des fichiers EPUB. En effet, lors de la conversion d’un DOC en EPUB dans le logiciel Calibre, ce dernier procède à un découpage des fichiers HTML : si le DOC comporte des sauts de page, Calibre les suivra, dans le cas contraire il découpera à sa guise et parfois en plein milieu d’une scène. Or le changement de fichier HTML sur la liseuse se traduit par un saut de page ! Mieux vaut donc un découpage selon des sections logiques plutôt qu’entre deux répliques… Rien de très poétique, je vous l’avais dit, mais un détail qui facilite grandement la préparation du livre numérique !

Je pense délimiter ces chapitres après avoir écrit un premier jet sans découpage, tout simplement pour obtenir du premier coup des chapitres équilibrés. Découper une histoire est en effet plus facile quand on en a la vision d’ensemble que lorsqu’on est en train de l’écrire et qu’on ne sait pas forcément ce qui va venir après… Quant à les faire correspondre au plan de l’intrigue, cela leur donne une cohérence et une logique qui vient renforcer le scénario. Enfin, l’absence de titre relève à la fois du pragmatisme et du style. Je ne suis pas particulièrement talentueuse pour trouver des titres pertinents et je trouve que des titres mal trouvés tendent à gâcher le style. Certains peuvent même briser le suspense ! Par ailleurs, si la présence de chapitres comporte un réel aspect pratique pour le repérage du lectorat comme de l’auteur·rice, les titrer n’a en revanche rien d’obligatoire ni même d’utile de ce point de vue. On peut éventuellement utiliser des titres de travail mais s’ils sont voués à disparaître, autant s’en passer pour ne pas avoir à les trouver et éviter le risque de les laisser par inadvertance.

Et vous, comment aimez-vous vos chapitres, en tant qu’auteur·rice ou en tant que lecteur·rice ? Dites-moi dans les commentaires !

À très vite !

Sarah T.

La fiction et la réalité, deux mondes séparés ?

On oppose souvent le virtuel et la « vraie » vie, le rêve et l’éveil, la fiction et la « réalité ». Mais les romans s’affranchissent-ils vraiment de toutes les règles du monde réel ?

La fiction, un miroir de la réalité ?

La réalité influence indéniablement la fiction, ne serait-ce qu’en l’inspirant.

Les romans ne sortent pas de nulle part, ni ne sont créés par une pure force divine détachée de toute influence. Les auteur·rice·s tirent leur inspiration du monde qui les entoure, de leurs expériences, de leurs perceptions. Même les romans de high fantasy les moins conventionnels s’appuient à un moment ou un autre sur un élément connu de l’auteur·rice.

Les auteur·rice·s mettent également beaucoup d’elles et eux-mêmes dans leurs romans, en particulier dans leurs personnages et les épreuves qu’ils traversent.

On peut donc apprendre des choses sur la réalité aussi par la fiction. Cette dernière nous en montre en effet un aspect, telle une loupe, certes romancée voire métaphorique, mais toujours inspirée. Les meilleurs exemples restent les biographies et les romans historiques ; mais même les œuvres de fantasy s’inspirent de notre monde, nous faisant glisser à partir d’éléments familiers dans un rêve peuplé de « et si ». Les dystopies se servent même ouvertement de la réalité pour en prendre le contre-pied.

Thriller, policier, science-fiction, fantastique… même si la représentation de notre monde n’est pas toujours fidèle dans les romans et se retrouve souvent enjolivée, déformée ou idéalisée, les livres s’appuient néanmoins toujours sur des éléments connus pour nous parler dans notre langue avant de nous faire glisser dans un voyage, aussi onirique soit-il.

La fiction n’est pas la réalité…

La fiction et la réalité sont pourtant deux mondes différents. Croire que tout ce qui se passe en fiction arrivera de façon identique dans la vraie vie conduit bien souvent à la déception.

Pour autant, même dans cette opposition, fiction et réalité sont intimement liées.

La fiction est davantage une idéalisation de la réalité. Elle est telle qu’on voudrait que soit la réalité. Par la fiction, nous pouvons révéler nos rêves, faire vivre ce que nous ne pouvons avoir ou oublier un instant ce qui nous peine.

Cela n’est bien sûr pas valable pour tous les genres littéraires. Difficile de voir dans la dystopie ou le thriller une représentation de ce que souhaiterait l’auteur·rice. Pourtant, même dans les histoires les plus tristes, l’écrivain·e peut toujours faire passer un message, même par antithèse. Par la représentation d’un monde indésirable, l’auteur·rice nous indique ce qu’iel ne souhaite pas et donc par déduction et extrapolation ce qu’iel pourrait désirer.

Il convient de bien discerner les zones de chevauchement de la fiction et de la réalité, ainsi que celles où les deux mondes sont bien séparés. À quel moment l’écrivain·e se repose-t-iel sur des éléments connus provenant de notre monde ? À quel moment nous entraîne-t-iel dans les méandres de son imagination ? Plus ardu, à quel moment croit-iel nous décrire une réalité pourtant déformée par ses propres croyances ?

… mais elles sont intrinsèquement liées

La fiction influence la réalité, parfois plus que la réalité n’influence la fiction. Si la réalité guide la fiction, c’est souvent en réaction : que ce soit par une évasion dans un imaginaire merveilleux ou par une dénonciation avec une dystopie, la fiction se construit contre la réalité. La réalité nourrit la fiction de ses manques et de ses travers. Mais en retour, la fiction peut servir de guide dans la réalité. On peut penser aux paraboles et aux fables qui ne se cachaient pas de transmettre une morale à appliquer dans la vie réelle, utilisant la fiction pour faire passer le message de façon plus plaisante.

La fiction s’inspire bien sûr de la réalité, mais toute fictive qu’elle soit, elle l’influence aussi, par les représentations qu’elle nous en donne. Il devient parfois difficile de distinguer le rêve de l’éveil. Habitué à certaines visions récurrentes, le lectorat finit par les intégrer inconsciemment dans son interaction avec la réalité. Inspiré ou effrayé par des éléments d’un roman, il tente d’en reproduire ou d’en éviter les schémas dans sa propre vie.

La fiction a une part de réalité dans le sens où elle n’est pas sans conséquences. C’est pourquoi, si la liberté de l’écrivain·e est bien supérieure dans ses romans à celle de sa vie physique, elle n’est toutefois pas sans limites. Tout comme le virtuel des mondes numériques, si le roman semble « pour de faux » parce qu’il n’est pas tangible, il n’en reste pas moins bien réel pour nos esprits qui se nourrissent autant d’idées que de vécu.

C’est d’autant plus vrai pour les éléments que le lectorat n’a pas l’habitude de voir dans la réalité. Si la seule représentation qu’il en a est celle de la fiction, il ne pourra s’appuyer que sur cette dernière pour s’en faire une idée. Aussi sa vision risquera-t-elle d’être biaisée le jour où il rencontrera une occurrence dans la réalité !

L’écrivain·e a donc une responsabilité dans ses écrits : celle de nous faire voyager et rêver sans nous tromper.

Et vous, à quel moment des romans vous ont-il semblé interagir avec la réalité ? Dites-moi en commentaires !

À très vite !

Sarah T.