Chaque auteur·rice possède sa propre façon d’écrire, ses sujets de prédilection et un rapport particulier à ses œuvres. Au fur et à mesure que je crée les miennes, que je les écris et les fais vivre, je me rends compte du lien très fort que j’entretiens avec elles.
Pour moi, le roman est analogue à un rêve pour un·e auteur·rice : il révèle son moi profond. Sans que cela s’applique nécessairement à tou·te·s les auteur·rice·s, je pense que cela peut en concerner un grand nombre.
Bien que le processus ne soit pas toujours conscient au moment de l’élaboration de l’œuvre, j’ai constaté que cette dernière avait souvent tendance à s’imprégner de mes expériences et mes préoccupations. Je m’en rends compte par bribes, tout au long de la vie du roman, et je trouve toujours intéressant d’analyser ces liens pour en apprendre plus sur moi-même et mes biais d’écriture.
Les personnages, facettes de l’auteur·rice
Les personnages sont autant d’éléments de la personnalité de l’écrivain·e. Chacun (ou presque) peut représenter un trait de caractère de l’auteur·rice. C’est peut-être moins le cas pour des personnages très secondaires et fonctionnels, beaucoup plus en revanche pour les protagonistes : ces dernier·ère·s ont reçu une attention tout particulière de leur créateur·rice, qui les a minutieusement façonné·e·s en s’inspirant parfois (consciemment ou non) de la réalité… Et l’auteur·rice fait partie de sa propre réalité, donc de ses inspirations possibles.
Si les protagonistes sont la cible évidente des projections de l’écrivain·e, ce·tte dernier·ère peut se montrer (volontairement ou non) plus pudique et subtil·e, façonnant ses protagonistes par d’autres inspirations et finissant par glisser ses propres traits dans des personnages qui paraissent secondaires, anodins, presque des figurant·e·s, mais qui pour quelques lignes renvoient un écho soudain du vécu de l’écrivain·e.
Possédant eux-mêmes une personnalité propre et complexe, les personnages présentent néanmoins de traits majeurs que l’on retrouve chez l’auteur·rice. Ainsi, l’identité de ce·tte dernier·ère se voit morcelée et disséminée dans autant d’avatars, qui partagent des expériences communes avec l’écrivain·e.
Le scénario, les fantasmes de l’écrivain·e
Si les personnages peuvent évoquer l’écrivain·e par leurs traits de caractère, leur vécu peut également faire écho à celui de leur créateur·rice.
Dans l’intrigue, l’auteur·rice glisse tous ses fantasmes, conscients ou inconscients, influencés par sa vie ou par les œuvres qui l’ont marqué·e. Le scénario voit se réaliser les schémas ancrés dans l’esprit de l’écrivain·e. Il peut s’agir de désirs non réalisés, mais aussi de craintes à exorciser. Cela peut également concerner des schémas de pensée et des croyances limitantes intégrées, consciemment ou non, par l’auteur·rice. L’écrivain·e peut parfois reproduire à sa manière des tropes déjà vus et appréciés dans d’autres œuvres ou des archétypes connus et rassurants.
Le meilleur exemple reste l’own voice story, dans laquelle des éléments de l’intrigue ou du passé des personnages proviennent directement de l’expérience personnelle de l’auteur·rice, qui peut ainsi en parler avec beaucoup plus de justesse qu’un·e écrivain·e n’utilisant que ses connaissances indirectes (ou pire, ses croyances et stéréotypes) pour écrire. Dans ce cas, toutefois, l’inspiration est bien consciente, voire engagée. L’auteur·rice a souvent un message à faire passer par ce biais ou influence en tous cas volontairement son récit par sa propre expérience, lui donnant une solidité et une résonance sans pareilles.
Ce sont dans les récits qui ne semblent pas particulièrement liés à leur auteur·rice que l’influence peut se montrer très troublante. Que cela soit des bribes du propre passé de l’écrivain·e ou la répétition de stéréotypes bien souvent inconscients, l’auteur·rice laisse transparaître involontairement des éléments de sa psyché.
L’univers, le refuge des romancier·ère·s
L’univers des romans s’apparente au havre de l’écrivain·e. Cet environnement est le lieu où l’auteur·rice se sent plus à l’aise, rassuré·e et en confiance. Il comprend des éléments connus et maîtrisés, à l’image d’une chambre.
Même dans un univers fantasy totalement inventé, les créatures, peuples et autres éléments merveilleux de ce monde seront pour l’écrivain·e des amis familiers.
On peut douter de l’affirmation en ce qui concerne les dystopies ou encore l’horreur. Pourtant, comme une divinité démoniaque, l’écrivain·e règne sur le monde où se déroule son histoire. Paradis merveilleux ou arène de combat à mort, c’est l’auteur·rice qui en définit les contours et les règles. Ce monde lui appartient et devient son domaine, son terrain de jeux pour diriger des pièces de théâtre en forme de miroir de sa vie, de ses expériences et de ses croyances.
Cette vision du rapport entre l’écrivain·e et ses romans ne reflète bien sûr que mon avis. J’ai pu l’expérimenter très fort avec tous mes romans. Mais peut-être que vous, en tant qu’auteur·rice, avez-vous une relation complètement différente avec vos œuvres ? Dites-moi dans les commentaires !
À très vite !
Sarah T.